lunes, 17 de junio de 2013

Les Canailles, un mariage orthopédique



                 “Dans le monde de l'espionnage, les frontières sont souvent diffuses. Tout comme l'est celle qui sépare la réalité de la fiction. Il y a beaucoup de réalité dans ce que l'on imagine et beaucoup d'imagination dans ce qui est réel.”
                                                                                                     Juan José Téllez



 GENÈSE DU PROJET


Fin 2012, après avoir présenté la compagnie Lluvia de Cenizas Théâtre à
Paris grâce à deux projets (Gore de Javier Daulte et Le Grigori et les vigiles
que j'avais écrit), je décidai de lancer une nouvelle réalisation qui
combinerait des comédiens de ces deux oeuvres ainsi que de nouvelles
recrues invitées à s'embarquer sur le projet. 

Gore et Le Grigori et les vigiles avaient des points en commun tant dans la
genèse de la production (oeuvres abouties, écrites préalablement et
indépendamment du processus des répétitions) que dans la stratégie de leur
composition (irruption du fantastique dans un contexte réaliste, mélange de genres empruntés au cinéma et à la littérature, lignes de fuites qui, loin de clarifier le sens à la fin, ratifient les noyaux d'incertitude).

Pour Les Canailles, le défi ne résidait pas dans le désir de faire un condensé
de la recherche poétique initiée dans les pièces précédemment citées, mais plutôt de travailler sur l'idée d'accumulation : accumulation des corps dans l'espace, accumulation d'histoires, de genres, de cultures portées par des comédiens en provenances de différentes latitudes et accumulation d'un temps réel pour y installer un temps
historique qu'on nous présente comme aussi lointain qu'incommensurable.

Le texte s'est écrit selon une dynamique que l'on a l'habitude d’appeler "au
pied de la scène", c'est-à-dire, des histoires écrites pour et avec la complicité des comédiens faisant partie du projet, travaillant non seulement à partir de leurs capacités expressives et émotionnelles mais également de leurs désirs et singularités concrètes.

La toute première répétition a commencé sans aucune certitude quant à la
trame, aux personnages ou à l'espace. Par contre, nous avions une image
génératrice, un contexte qui allait nous servir d'excuse pour déployer cette volonté de raconter des histoires. L'image-situation était une répétition de mariage après-guerre. Plus précisément au cours d'une opaque année 1947.

De cette suggestion, cette proposition de cadre, se détachèrent quelques-uns des axes qui allaient rester en vigueur tout au long du processus créatif. La noce comme excuse pour explorer la fiction et les mécanismes de représentation d'une part et, d'autre part, l'après-guerre et les débuts de la guerre froide comme paysage historique qui installe un champ du vraisemblable et est conçu comme un espace concret de temps et d'action.


                                                                                    Lucas Olmedo